La peine de mort était au cœur d’un débat animé, voire passionné par moments, mardi soir, à l’université La Sagesse, où « pour et contre » se sont affrontés, arguments à l’appui. Un débat qui reflète fort bien « la division de l’opinion publique sur le sujet », comme l’a noté le doyen de la faculté de droit et facilitateur du débat, Maroun Boustany.
L’événement était organisé par la faculté de droit, en collaboration avec l’association ALEF (Association libanaise pour l’éducation et la formation) qui milite pour l’abolition de la peine de mort et pour le respect des droits de l’homme. Il a vu la présentation, par deux étudiants en quatrième année de droit, Chadia Boustany et Dany Berberry, d’une étude sur la peine de mort au Liban, qu’ils ont réalisée dans le cadre de la « clinique légale des droits de l’homme ». Étude qui a ouvert la voie au débat, auquel ont participé les intervenants, les juges Hatem Madi et John Azzi, mais aussi l’assistance, composée de grands noms de la magistrature, comme les juges Fady Oneissi ou Ghassan Rabah, d’avocats et d’étudiants.
56 exécutions depuis l’indépendance
« L’État a la responsabilité de protéger les vies humaines. L’application de la peine de mort est une violation des droits de l’homme. » L’étudiante Chadia Boustany condamne fermement l’application de la peine de mort au Liban, sur base de la loi de 1943 du code pénal, et réclame son abolition. « Depuis l’indépendance et jusqu’à l’année 2004, 56 personnes ont été exécutées », souligne-t-elle, précisant que depuis cette date de nombreuses peines de mort ont été prononcées, sans être mises en application. « Les dernières condamnations à mort, au nombre de 4, remontent au mandat du président Émile Lahoud, en 2004. Le Liban est pourtant signataire de la Déclaration universelle des droits de l’homme et d’une série de conventions qui vont à l’encontre de la peine de mort », martèle la jeune femme.
« Il est grand temps de revoir le code pénal et d’abolir la peine de mort, avec l’évolution de la société », estime de son côté Dany Berberry. Il juge nécessaire de pousser la société libanaise à « s’éloigner de la barbarie et de l’esprit de vengeance, même si cela prend plusieurs générations ». Dans cette optique, il dénonce le crime de Ketermaya, acte de vengeance collectif accompli contre le criminel de plusieurs membres d’une même famille. Il raconte aussi la lente et horrible agonie d’un criminel condamné à la pendaison, Adel Halawi, lors de son exécution, en 1971. Il déplore enfin les appels pour l’application de la peine capitale à l’encontre du meurtrier de Mohammad Natout, un mineur. « L’annulation de la peine de mort dans certains pays n’a pas provoqué une augmentation de la criminalité », indique l’étudiant en droit. Et de préconiser « l’abolition progressive » de la peine de mort et son remplacement par la perpétuité incompressible.
La peine capitale ne réduit pas la criminalité
Le juge Hatem Madi tient d’abord à mettre en exergue son rôle, en tant que juge, qui vise à appliquer la loi et non pas à la faire. « Un juge qui n’applique pas la loi aura failli à sa mission », affirme-t-il, avant de préciser qu’il a déjà prononcé la peine de mort. Il ajoute que les juges ont parfois recours à certains procédés pour éviter de prononcer la peine capitale. « Pourquoi ne pas les encourager à poursuivre sur cette voie ? » demande-t-il. Quant à la possibilité d’abolir la peine de mort, le juge Madi estime qu’il s’agit d’un « long processus qui suscite un débat » et qui sera probablement enclenché un jour au Liban, mais « pas dans l’immédiat ». « C’est d’ailleurs vers le législateur qu’il faudra se tourner, dans ce cas », note-t-il. Et d’expliquer que les États qui l’ont annulée ne l’ont pas fait du jour au lendemain.
Fervent défenseur de l’abolition de la peine de mort, le juge John Azzi estime que « le juge doit savoir faire preuve d’humanité ». « Il a le choix entre coller au texte de loi, ou octroyer des circonstances atténuantes, lorsqu’il le faut », souligne-t-il, affirmant que les juges ont souvent poussé les législateurs à changer les lois. Il insiste toutefois sur la nécessité de sanctionner le criminel, de le réhabiliter aussi et de respecter le droit de la victime et de sa famille. Concernant l’application de la peine de mort au Liban, il évoque un moratoire sur la question depuis 2004. « La peine capitale n’est donc plus appliquée, sur décision du pouvoir exécutif », affirme-t-il. « D’autant qu’il a été prouvé que la peine de mort ne mène à rien et qu’elle ne réduit pas la criminalité », affirme-t-il à ce propos.
Nombreuses ont été les réactions, pour ou contre la peine de mort. Dont celle du juge Fady Oneissy qui a défendu avec force ses arguments, en faveur de la peine de mort. « Il est impératif de respecter le droit des victimes et de protéger la société », martèle-t-il, soulignant que « si la société ne respecte pas le droit des victimes, celles-ci se chargeront de défendre leurs propres droits ». Des propos qui n’ont pas manqué de choquer. Mais après tout, lance le juge Azzi, pour conclure, « le débat avait l’avantage d’être franc ».
commentaires (6)
Le criminel s'appellait Marc Dutroux et ses victimes, agees de 8 ans non pas de 14 ou 15, s'appelaient Julie et Melissa. Elles furent violees et filmees et torturees plusieurs mois avant d'etre abandonnees pour mourir de faim. Dutroux servait a l'origine une peine de 14 ans de prison mais fut relache par un Procureur imbecile au bout de 3 ans seulement. http://en.wikipedia.org/wiki/Marc_Dutroux
Fady Challita
03 h 50, le 08 avril 2012